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Nous avions rencontré Guillaume Arthus lors de son retour de la Barkley. Il était revenu pour nous sur sa course et nous confiait déjà ses projets pour l’année à venir, notamment sa traversée des Pyrénées. Guillaume est un traileur qui parcours le monde entier à travers des courses mais le plus souvent seul sur les GR et autres parcours. C’est à travers ses vidéos qu’il nous fait découvrir des paysages et des endroits toujours plus somptueux.
Guillaume a traversé les Pyrénées par la mythique HRP ( Haute route des Pyrénées ), il revient sur son aventure de 14 jours.
WT – 3 semaines après le Tor des Géants tu t’ai lancé un sacré défi, peux tu nous raconter depuis combien de temps tu prépares cette traversée.
GA – Fin 2014 , après avoir bouclé l’UTMB, j’étais un peu sans objectif. Je regardais les ultras mais sans envie particulière. A force de regarder où était les courses, je me suis dit qu’au lieu de faire des petits bouts de massifs, pourquoi ne pas tout faire. L’idée de traversée les Pyrénées vient de là. A ce moment là, je n’avais clairement pas le niveau pour ce genre de défi. Je me suis donc mis au travail.
WT – Comment prépare t-on un tel défi ? As-tu connu des moments de doutes avant de partir.
GA – Plusieurs années sont nécessaires. Entre 2014 et 2017, j’étais en constante progression, à aller tester mes limites et mes compétences sur d’autres courses. Le multi-jour sur le Marathon des Sables, le maintien d’allure sur les Last One Standing (1 boucle de 7K à faire toutes les heures, jusqu’à ne plus pouvoir), le dénivelé sur des doubles kilomètres verticaux, l’orientation avec la Barkley, etc… Le cœur de l’entrainement était mes road trips. Entre 2015 et 2016, j’ai vécu pendant respectivement 40 et 30 jours dans ma voiture à parcourir les plus beaux chemins de respectivement l’Europe de l’Ouest et de l’Est. Ça m’a permit de voir du paysage mais surtout de faire 800K +50000m en une période très restreinte. La dernière touche de ma préparation, tu l’as souligné, était le Tor des Géants trois semaines avant.
J’ai donc suivi un cycle de trois ans pour passer du format 100 miles à ça.
WT – Tu décides de faire cette traversé sans assistance, de quoi est composé ton sac ?
GA – Pour moi c’était une évidence. Sur ce genre de distance, organiser une logistique est un casse-tête sans nom, d’autant qu’il est impossible de prévoir exactement ce qu’il va se passer. Être en solitaire demande plus d’engagement, mais au final, c’est bien plus simple à gérer, plus organique.
Le sac joue effectivement un rôle primordial. J’ai passé 8 mois à créer ce petit bijou. 6,750kg, 20 litres. Il y avait absolument tout dedans : tente, sac de couchage, réchaud, nourriture de secours, battons, caméras,… absolument tout.
J’ai passé des mois à trouver le parfait matériel, à trouver l’équilibre entre poids, fonctionnalité et volume.
C’était assez compliquer de manger. Comme j’ai traversé en octobre, c’est-à-dire hors saison, pratiquement tout était fermé en France, et la moitié en Espagne. Je mangeais tout ce que je pouvais et achetais dès que possible, pour au moins deux jours. Ça a été dans l’ensemble, mais j’ai passé deux nuits sans manger. Très compliqué après 50K.
WT – Parles nous de ton road book, combien de kilomètre t’étais-tu fixé par jours et t’y ais-tu tenu.
GA – Une grosse bourde. J’avais découpé la traversée en 93 cartes, toutes disponibles sur mon téléphone. D’après le road book que j’avais pris, celui de la Haute Route des Pyrénées (HRP), la trace est sensée faire 550K. Le léger souci, c’est qu’il y en a 800. Je m’en suis rendu compte assez vite lors que je faisais mes 50K quotidien comme prévu mais que je n’avançais que de 5 cartes par jour au lieu de 7. C’était un coup dur, mais comme je tenais mes 50Km +3000m par jour sans m’épuiser, je savais que ça pouvais passer. J’avais 15 jours de vacances donc 15 jours pour traverser.
WT – Après quelques jours et plusieurs kilomètres avais-tu l’impression d’être toujours en France?
GA – J’ai passé mon temps à traverser la frontière. Le terrain est vraiment très varié. J’ai retrouvé des sentiers typiques du Mont Olympe en Andorre, des sentiers Alpins en Ariège, des petits bouts de l’Algrave (Portugal) en Pyrénées orientales, et les collines d’Olympics (USA) dans le pays basque.
Je savais que j’étais toujours sur la frontière, mais l’évolution des paysages m’a rappelé de bons souvenirs.
WT – Tu étais seul sur cette traversée, comment as tu géré cette solitude?
GA – Je n’ai aucun problème avec ça. En 2016 lors de mon voyage en Europe de l’Est, je n’ai parlé à personne pendant un mois. Je n’avais pas le temps, je courrais 2 fois par jour. Là c’était un peu la même chose.
J’ai l’habitude d’être seul en montagne. D’ailleurs c’est pour ça que je ne pars jamais dans ce genre de projet sans ma balise GPS. Un élément de sécurité indispensable.
WT – 14 jours en haute montagne, le plus dur à gérer c’est les km, le D+, la solitude ou l’envie d’un de tes plats préféré?
GA – Je n’ai pas vraiment ressenti de difficultés majeures. J’étais vraiment bien préparer. Les paysages sont tellement beaux et variés, que la difficulté s’efface.
Il y a eu des moments mois sympathiques que d’autres bien sur, comme ces deux nuits passées sans manger, faute d’avoir pu trouver de quoi, ou la traversée du désert. Une section de 80Km sans une goute d’eau. J’ai du faire 50Km sur un litre d’eau puis 50Km le lendemain sur un demi litre. Ce n’était pas des plus agréables, mais on était encore dans le supportable.
WT – Une arrivée à la mer sous la pluie, racontes nous ta dernière étape et ton arrivée.
GA – Je commençais à en avoir un peu marre sur la fin. La routine était bien ancrée et je voyais l’océan se rapprocher. Au début du 13eme jour, il me restait environ 120km. A mon allure, ça voulait dire deux jours, et donc un finish en 15 jours.
Seulement je n’avais pas envie de devoir encore trouver un endroit pour dormir et après avoir regardé les cartes, il n’y avait rien de bien. J’ai donc décidé de finir par une nuit blanche. Après 13 jours, c’est pas mal. Ça me permettait aussi de finir en moins de 14 jours. Ça relève ma moyenne quotidienne à 57K et +3500m.
Sur le papier c’était parfait, mais la pluie s’est invitée sur les 6 dernières heures. Dommage! Après je ne peux pas vraiment me plaindre, sur les 14 jours, j’ai eu 11 jours de beau temps, 1 jour de gris et 2 jours de pluie.
WT – En moyenne il faut 1 mois pour faire cette traversé. Toi tu as mis la moitié moins de temps. Penses-tu que ça va donner envie à d’autres aventuriers de tenter ce défi et quels conseils donnerais-tu ?
GA – La clé reste la préparation : le physique, le mental, le sac à dos. La HRP reste un sentier très engagé. Pour traverser les Pyrénées en 15 jours, utiliser le GR10 en saison est un bon point de départ. Je pense que bon nombre de personnes en sont capables, au moins en trois semaines. Il ne reste qu’à ces aventuriers à se motiver pour effectivement se lancer.
WT – Tes projets pour l’année à venir
GA – Les projets sont nombreux… avec un passage aux Etats Unis avec la Vol State (500K USA),la Moab 204 (miles, Utah), la Triple Crown, trois 200 miles à courir en trois mois. J’ai également une revanche à prendre en Inde avec la Hell Race, un 480km au dessus de 4000m après deux abandons successifs suite à des blessures. La 3ème j’espère sera la bonne.
IL y aura aussi l’Angleterre et Le Pays de Galles, de nombreux ultras au programme avec plus de 2000 km au total sur l’année.
Un petit portrait chinois pour finir cet interview
- Si tu étais un animal, tu serais? Un mouflons
- Si tu étais une couleur, tu serais? Le bleu du ciel juste avant le lever du soleil
- Si tu étais une chanson, tu serais? Lorde, Buzzcut season
- Si tu étais un acteur ou une actrice, tu serais? John Malkovich
- Si tu étais un métier, tu serais? Ébéniste
- Si tu étais un objet, tu serais? Une girouette
- Si tu étais un film, tu serais? Paris 2054 : Renaissance
- Si tu étais un fruit, tu serais? Une framboise
- Si tu étais un sport, tu serais? Trail Running
photos/vidéo Guillaume Arthus runnexplorer
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